En Somalie, soirée « historique » avec la première séance de cinéma en trente ans
Si Mogadiscio possédait de nombreuses salles à son âge d’or, toutes leurs portes se sont refermées avec l’éclatement de la guerre civile en 1991. Des spectateurs attendent la première projection de films somaliens au Théâtre national de Mogadiscio depuis trente ans.
Les habitants de Mogadiscio ont renoué mercredi soir 22 septembre avec le monde du cinéma grâce à la première projection de films depuis trente ans, un événement culturel organisé sous haute sécurité dans la très instable capitale somalienne. L’histoire du théâtre national de Somalie, offert par le dirigeant chinois Mao Zedong en 1967, témoigne des décennies tumultueuses traversées par ce pays de la Corne de l’Afrique.
Le lieu, qui accueillait la projection à l’occasion de sa réouverture, a par le passé connu des attentats-suicide et servi de base à des chefs de guerre. « Cela va être une nuit historique pour les Somaliens », avait affirmé plus tôt son directeur Abdikadir Abdi Yusuf, soulignant que son établissement se veut désormais un lieu d’expression pour les artistes locaux.
Mercredi soir, des films somaliens y ont été pour la première fois projetés : deux courts-métrages du réalisateur Ibrahim CM, Hoos et Date from Hell. Le ticket d’entrée était d’environ 8,50 euros – un prix élevé pour beaucoup d’habitants de Mogadiscio.
Les participants ont dû passer plusieurs contrôles de sécurité avant d’atteindre le théâtre, situé dans une zone hautement sécurisée de la ville, où se trouvent notamment le palais présidentiel et le Parlement. Selon des sources contactées par l’AFP, la séance s’est tenue sans incidents de sécurité.
Si la capitale possédait de nombreux cinémas à son âge d’or, toutes leurs portes se sont refermées avec l’éclatement de la guerre civile en 1991. Tombé en désuétude, le Théâtre national a rouvert en 2012, mais il fut détruit deux semaines plus tard par les Chabab, milice islamiste liée à Al-Qaida qui mène régulièrement des attaques dans la capitale.
Après une restauration minutieuse, sa réouverture rappelle à beaucoup des jours plus heureux. « Au bon vieux temps, j’avais l’habitude de venir voir des concerts, des pièces dramatiques, des spectacles pop, des danses folkloriques et des films au théâtre national. Cela me rend triste quand je vois Mogadiscio sans la vie nocturne qu’il y avait avant », a affirmé dans la journée Osman Yusuf Osman, un mordu de cinéma. « Mais c’est un bon début (…). Je ne manquerai pas cet événement historique ce soir », a-t-il précisé à l’AFP.
A l’inverse, d’autres étaient plus circonspects, voire inquiets quant à la sécurité du site. C’est le cas de Hakimo Mohamed, mère de six enfants, qui fréquentait l’endroit quand elle était enfant. « Les gens sortaient la nuit et restaient jusqu’à tard s’ils le souhaitaient. Mais désormais, je ne crois pas que cela soit très sûr », a-t-elle estimé. Les Chabab ont été évincés de Mogadiscio il y a dix ans, mais ils contrôlent toujours de vastes zones rurales.
Sources : Le Monde avec AFP