PRUDENCE MAIDOU : LE CINEMA, ARME D’UN COMBAT SOCIAL

PRUDENCE MAIDOU : LE CINEMA, ARME D’UN COMBAT SOCIAL

Le sol Centrafricain a vu naitre et marcher des génies, de purs talents qui ont hissé le plus haut possible les couleurs du drapeau cinématographique de ce pays, l’Afrique Centrale. Avec exigence et surtout prudence dans ses actions, Prudence MAIDOU fait de son talent un fourre-tout ce qui relève son caractère particulier qui la distingue d’entre des milliers de son domaine, tout en la faissant  briller dans son pays et au-delà des frontières. Actrice, dramaturge, metteuse en scène, et danseuse d’où son nom de scène ‘‘Prudanse’’, MAIDOU ne met aucune de ses casquettes sur la sellette de la paresse mais, privilégie la casquette de la hardiesse.

Vous avez eu une présence remarquée dans le film Bienvenue au Gondwana ; était-ce une manière pour vous, de crier votre ras-le-bol face aux dictatures africaines ?

 Non, pas spécialement. Ce que vous évoquez ici, est plus l’état d’esprit du réalisateur qui savait exactement ce qu’il voulait faire de ce personnage. ‘‘Betty’’ est à l’image de la jeune femme Africaine qui prend conscience du monde politique qui l’entoure, elle sait que si elle ne s’implique pas politiquement rien ne pourra changer. Il est vrai qu’en interprétant ce rôle, je me suis plus intéressée à la politique africaine ; surtout, lorsqu’on vient de la République Centrafricaine.

Trois ans après la diffusion de ce film à succès qui avait un intérêt moralisateur, votre pays, la Centrafrique souffre à nouveau, d’une déchirure sociopolitique. Avec du recul, quel opinion pouvez-vous donner sur la portée de ce film et sur l’actualité Centrafricaine ?

 Effectivement Bienvenue au Gondwana a eu un gros impact sur la population Africaine. Une vive prise de conscience de cette éternelle monstrueuse manipulation politique, qui affecte en particulier l’avenir de la jeunesse Africaine. C’est en allant en Afrique Centrale, exactement au Congo-Brazzaville que, je me suis rendue compte que ‘‘Betty’’, mon personnage était une héroïne surnommée « Betty la voix des sans voix », une héroïne pour tout un peuple. Le problème de mon pays est très complexe ; à part les concernés qui maitrisent le sujet c’est-à-dire ceux à qui cette situation est bénéfique. Tout comme moi,  beaucoup de Centrafricains subissent et sont dépassés par ce problème qui ne semble pas s’arranger.

 

En 2009, vous avez fondé l’association ‘‘Prudanse avec les maux’’. Une association consacrée aux femmes enceintes atteintes du SIDA, à une période où les organisations humanitaires internationales étaient financièrement appuyées dans la lutte contre le SIDA. Étiez-vous, comme certaine structure, motivée par un intérêt lucratif ?

C’est maintenant que j’apprends qu’en 2009 les organisations humanitaires internationales étaient financièrement appuyées sur la lutte contre le SIDA. Cette association est née suite à un grave incident personnel qui a bouleversé ma vie. Et suite à cela, j’ai écrit le spectacle MAUX DE FEMMES. Sans ce spectacle, je ne sais pas où, je serai aujourd’hui. J’étais au plus bas de ma vie, c’était un instinct de survie, un cri de désespoir pour soigner mes maux par les mots. Et, l’idée d’inviter sur scène d’autres femmes qui avaient aussi des choses à dire, de crier leurs ras-le-bol s’est ajouter. La création d’une association m’est venue bien après.

Toute la production du spectacle était sur fond personnel et mes dons aux femmes enceintes atteintes du VIH-sida en République Centrafricaine étaient également sur fond personnel. Diriger et gérer une association demande beaucoup de temps, malheureusement, nous manquons à l’époque de bénévolat, c’est ainsi que l’association s’est éteinte petit à petit. Nous pourrons un jour reprendre le projet. Qui sait ?

 

À ce jour, à combien se chiffrent les aides financières apportées aux femmes enceintes atteintes du SIDA par votre association ?

C’est très aléatoire car, les aides sont des dons personnels. J’ai beaucoup aidé certaines femmes dans mon quartier à Lakouanga en République centrafricaine, mais aussi, dans les hôpitaux publics. L’idée était de générer de l’argent avec cette association mais, nous étions toutes axées sur nos parcours professionnels, chercher nos voies et nous n’avons pas pu atteindre nos objectifs. Cependant, l’association existe toujours en France. Mon amie avec qui j’ai eu cette idée à l’époque continue d’aider via le théâtre, des jeunes en situation précaire et en difficulté scolaire.  

 

 

Un spectacle, en l’occurrence ‘‘Maux de femmes’’ vous a rehaussée.  Après que ce spectacle ait permis d’épauler financièrement les femmes enceintes atteintes du SIDA, quel est le combat de Prudence MAIDOU face aux victimes du Coronavirus ?

Mon combat est autre part, mon combat se porte sur toutes les maladies qui gangrènent le continent. Je n’ai pas attendu le coronavirus pour m’engager sur le sujet de la santé et spécialement en Afrique. Depuis septembre 2018, je présente une émission de santé sur la chaine TV5 MONDE et distribuée sur beaucoup de chaînes Africaines notamment la RTI 2 en Côte d’Ivoire. Ce programme me tient beaucoup à cœur ; c’est pour moi une façon de contribuer à l’avancée médicale sur le continent. Nous donnons des conseils pour rester en forme, nous rencontrons des experts de santé qui aident à identifier les maladies et à les faire comprendre, nous parcourons toute l’Afrique à la recherche des solutions et surtout des moyens financiers via les ONG et associations.

 

Quel bilan dressez-vous du « Mouvement Femmes Centrafricaines en marche », dont vous êtes la créatrice ?

C’est un projet en cours, qui va me demander beaucoup de temps. On y travaille.

 

 Ce mouvement a-t-il, en réalité, une vocation électorale ?

Ahahaahah non pas du tout, c’est parti d’un ras le bol…, d’un cri de cœur lorsqu’il y’a eu des massacres en RCA en 2018, aussi bien du côté Chrétien que musulman. Je voulais organiser une marche pacifique de femmes face aux ennemis de la paix, ces ennemies de la paix sont pour moi aussi bien les politiciens que les rebelles.

 

Quelle est votre perception du Féminisme ?

Wouaou ! Voici la question que je n’aime pas avoir. C’est une question qui me fait lever les yeux en l’air. Ma réponse peut choquer ou pas, mais, ce sera celle-là.

Déjà, je n’en suis pas une ; car, je ne crois pas à l’égalité hommes/femmes. L’égalité homme/femme n’est pas dans la culture et dans l’éducation noire. L’homme est naturellement doté d’une force, cela n’a jamais était un problème pour la civilisation noire. L’homme a sa place, la femme aussi ; et, les deux se complètent. Nous vivions dans une société basée sur le principe du partage. Dans la structure intellectuelle, la femme était l’assise spirituelle et moralisatrice du foyer, ce qui perdure encore. Dans les familles Africaines, que ce soit en occident ou en Afrique, dans le foyer c’est la mère qui est la structure morale, spirituelle. La femme bâtit, stabilise. Elle est l’accoucheuse des pouvoirs, l’accoucheuse des Nations et il n’y a pas d’opposition entre l’homme et la femme car, les deux sont complémentaires. Tout ceci a pris fin avec cette violente invasion coloniale que nous avons subie.  Destruction des traditions, des codes, prostitution intellectuelle.

Quant à l’émancipation de la femme Africaine, elle l’a toujours été et dans n’importe quel domaine. Dans l’histoire du monde l’Afrique est le seul continent où l’on constate des prêtresses religieuses. Je ne parle pas de ces églises d’aujourd’hui qui ne sont pas à la base notre religion.

 Dans le domaine économique il suffit de voir les chiffres qui ne cessent de grimper, les Africaines sont les championnes du monde de la création d’entreprise. Malgré les manques d’infrastructures et les difficultés liées aux financements, en 2018, elles sont plus de 24% à entreprendre par rapport aux autres continents où, les chiffres varient entre 6 et 17%.

Quant à l’aspect sexuel, la mutation du sexe féminin aussi appelé l’excision ne vient pas de l’Afrique, mais, du Moyen-Orient. À l’époque, nous avions au contraire des pratiques allant à l’inverse. Par exemple, le GUKUNA que je vous laisse découvrir en faisant des recherches. Cette pratique a été  bannie par l’église à l’arrivée de la colonisation.

Le féminisme qu’est-ce que j’en pense ? Pffft je lève les yeux en l’air… passons.