La Rage du Sage
L’illettrisme est perçu, à outrance, comme l’une des pires maladies de l’Afrique. A proximité de cette pathologie continentale, s’érige le culte de la personnalité, une autre lacune mentale. Pourtant, aucun des oracles du cinéma ivoirien ne prévoyait le succès d’une star détentrice des germes d’un autre art : La présentation télé. Aujourd’hui, les cinéphiles sont heureusement, conquis par le jeu d’acteur d’un vieux loup de la télé : George Tai Benson. Le sentencieux GTB. Le chevronné du journal est le nouveau vacciné du clap. Le mésestimé est un surdoué. A bien y réfléchir, il y a peut-être un méli-mélo dans ces dires. Les souvenirs nous donneront un satisfecit. GTB est ce baobab de la télé qui a fait du journal télévisé une thérapie acclamée. Il est celui qui s’est lamenté d’être refroidi, chaque fois que par manque de diplôme, des portes lui étaient fermées, au sortir de son expérience à la télé. La bible elle-même n’a-t-elle pas dit « Frappez et l’on vous offrira » ? Il frappa à la porte du septième art, le cinéma auquel il se confia, le consola, lui tendit les bras, l’adopta, le protégea, loin des bourrasques des flemmards, loin des larmes des pleurnichards, l’astiqua, le rehaussa et le consacra. Jadis et j’oublie, elle l’immortalisa.
Pourquoi rendre hommage à « un pépé » de la télé ? Eh bien « pépé » enjolive son temps. « Le pleureur national » pleure toujours d’excès de succès, d’excès de bienfaits. Sur la même cadence, ses téléspectateurs sont aussi devenus des « pleureurs nationaux » car mélancoliques de ne pas avoir eu plus tôt, un sage sorti de cage. Son âge n’a pas fait foirer le « Braquage à l’Africaine », série explosive dans laquelle il a scintillé et ses rides n’ont pas vieilli « Les coups de la vie », autre scène concluante.
L’orphelin des diplômes a eu son baume, l’offusqué social est un pétale, le pépé malmené est auréolé. Patiemment et éloquemment, GTB a mis ses échecs en cage, a emprunté un autre passage et vit un autre âge : C’est la rage du sage.
Jean-Cyrille OUATTARA