Ma grande famille : Les points cardinaux d’un semi-KO
Des années après la première saison mythique de « Ma famille », une série réalisée avec des moyens modiques, pour un succès inédit, la poursuite de la plus grande success-story du cinéma ivoirien faisait languir les cinéphiles de toute l’Afrique. Sorti du berceau et devenu, pratiquement une décennie après, l’enfant prodige d’Akissi Delta, sa mère, l’opus cinématographique, dans une autre étape de sa vie, fait des séduits et des indécis. Cette nouvelle ère projective pour des figures panafricaines a un rendu discutable et discuté, aux yeux d’un public, hier conquis, aujourd’hui confus.
Une surabondance de «membres» : un encombrement
D’où sortent-ils et pourquoi eux ? Voilà les interrogations qui caracolent dans de nombreux esprits, au regard de l’agrandissement panafricain qu’a fait Akissi Delta. Dès les premiers épisodes diffusés, des personnages ont laissé dubitatifs les téléspectateurs qui ne doutent point de leurs qualités mais qui ne voient, nulle part, leur préciosité, dans cette saison nouvellement née. Bien que la rebaptisation « Ma grande famille » ait dessiné, à dessein, le contenu voulu par l’équipe de production, le constat n’est pas sans tâches. De Dakar à Ouaga, l’on a pioché, de façon effrénée mais désorientée, au point où cette extrapolation panafricaine ressemble à une promenade très vaine. D’ailleurs, le film tant chéri par les cinéphiles de « babi » a quelque peu été dénaturé, par les passages cédés aux acteurs étrangers, quoique quelques uns, notablement « Akoss », aient tiré leur épingle du jeu. « J’ai voulu faire un film qui regrouperait l’Afrique toute entière » a beau chanté Delta, la confusion est tout de même là.
Les nouveaux membres de la famille venus avec leurs valises panafricaines feront-ils vraiment voyager ce film à des destinations plus lointaines ou est-ce uniquement le scénario qui a effectué un voyage immobile ?
Excès d’humour : un faux fourre-tout
Un autre bémol dans cette nouvelle saison, c’est le rôle que jouent les humoristes ivoiriens. Très clairement, Akissi Delta a voulu donner un tonus humoristique à sa série, en ajoutant des déclencheurs de rires. Seulement, c’est l’effet contraire qui se produit. Joël, « En K2K », « Magnifik », Ramatoulaye, Agalawal… Pléiade de gags, pléiade da fars, pour un humour sans humour. Des travestis. C’est le très ingénieux personnage que doivent camper des humoristes démunis des réflexes d’acteurs à qui l’on offre le clap du nouveau cap. « Franchement, tous ses acteurs, surtout les humoristes déguisés en femme ne servent à rien. L’humoriste sur scène et l’acteur au cinéma sont deux personnages totalement différents », a nuancé une internaute, sur une plateforme Facebook, dès les premiers épisodes de la série. En voulant faire de cette énième saison un fourre-tout, l’équipe de production a manifestement servi une série sans vrais contours.
Guéguerres et décès : la polémique fait des misères
La vraie arête dans la gorge de « Ma Famille », ce sont, probablement, les nombreuses querelles qui, à tort ou à raison, sont imputées à la productrice Delta. Trop de frustrations incombées à la visionnaire. L’une des plus grandes demeure le malaise entre l’actrice Amoin et elle. A ce sujet, la première citée, avait dans une sortie, affirmée que Delta ne lui avait pas tendu la main comme il se devait, lorsque son mal apparaissait. Pour mémoire, elle (Amoin, ndlr) a contracté un mal qui a baissé sa vue. Dans la même veine, elle avait annoncé avoir écrit le scénario de son propre film et attentait qu’une structure accepte de le produire. Des guéguerres de cette ampleur, beaucoup ont fait jaser sur la toile et agacé la « créatrice » de « Ma famille ». A titre d’exemple, des supposées tensions s’étaient répandues dans les coulisses du septième art, citant nominalement, cette fois, les très admirés Digbeu Cravate et Gbazé Thérèse. Pourtant, l’apparition des deux dans « Ma grande famille » témoigne des rumeurs infondées, du moins, des querelles hyperbolisées. Non satisfait de sa présence probante dans cette famille agrandie, Digbeu Cravate a éteint les rumeurs d’un éventuel clash entre Delta et lui, sur un plateau de télé. « Je n’ai aucun problème avec Delta », avait-il rassuré.
A coté de cela et comme si souvent, les décès en excès ne pouvaient que complexifier la réalisation de la saison 2. Marie-Laure, Marie-Louise Asseu (Malou, ndlr), Josiane, pour ne citer que ces fers de lance de la première version de la série inouïe avaient un jeu de scène carrément irremplaçable. Comment donc remplacer ces poumons quand on n’en a aucune idée ? C’est sans doute le casse-tête le plus insoutenable de la production et la migraine la plus barbare de Delta. « Le décès de Malou a complètement bouleversé le Scénario », a-t-elle confessé, au cours d’un documentaire dédié à sa carrière.
Impréparation, précipitation…Punition
Le dernier point cardinal qui nous oriente sur les causes d’un visage moins embelli de « Ma grande famille » est le manque de préparation, l’impréparation. Certes, par souci d’audience, la chaine ivoirienne qui a diffusé, en premier, la série n’avait point besoin que la production s’achève mais cette précipitation a fait assez de navrés. A preuve, la chaine coproductrice a dû interrompre sa diffusion pour laisser le temps à l’équipe de production de préparer de nouveaux épisodes. C’est le manifeste d’une vraie impréparation. A défaut d’être prêts, l’honneur de la série aurait été tout à fait sauvé si et seulement si, le contenu était incontestablement qualitatif. Dommage ! Impréparation et précipitation ont chanté à l’unisson, la punition leur a damé le pion.
Jean-Cyrille OUATTARA