« Une soirée de wow » : dans la profondeur de l’avant-première

« Une soirée de wow » : dans la profondeur de l’avant-première
« Une soirée de wow » : dans la profondeur de l’avant-première
« Une soirée de wow » : dans la profondeur de l’avant-première
« Une soirée de wow » : dans la profondeur de l’avant-première
« Une soirée de wow » : dans la profondeur de l’avant-première

Une pluie de couleurs s’abat sur le Sofitel Hôtel Ivoire d’Abidjan. Bleu, rouge, jaune, rose… Une déferlante de personnes assiègent l’infrastructure. Abidjan s’est donné rendez-vous au Majestic pour une nuit cinématographique annoncée « Magique ». Tous, médias, spectateurs, cinéastes, sont venus assister à « Une soirée de Wow », l’intitulé du film, dont la diffusion de l’avant-première est prévue pour 19h.  Un cortège humain se dirige vers le premier « checkpoint » où deux hôtesses, débordées mais qui s’efforcent de rester le plus courtoises possible, sourient gaillardement, pour dissimuler leur gêne évidente quand les spectateurs leur demandent de tirer la liste des personnes et médias invités. « Va voir si on peut avoir la liste physique. C’est gênant de toujours sortir mon téléphone portable pour vérifier le nom des gens », exhorte, chochotte même, dans un brouhaha, la moins grande des deux à une autre dont le maquillage est perturbé par un début de sueur. Sublimées de noir métissé au bleu du badge qui s’étend du cou au hanche, couvrant toute leur poitrine, les deux premières hôtesses, au premier checkpoint, élancées par leurs talons, tentent de rectifier quelques maladresses organisationnelles.        

« Je vous dis que j’ai été enregistré mais vérifiez, si vous ne me croyez pas », perd patience l’un des invités, qui au second check point est stoppé par un homme baraqué, les bras imposants, le torse encore plus corpulent que les épaules. Les filles à ses côtés, qui viennent s’enquérir de la situation le regardent de haut, vu le gap entre elles et lui, au niveau de la taille. Derrière sa masse physique, c’est d’une voix pas du tout autoritaire mais imposante, qu’il explique, avec beaucoup de courtoisie que sans preuve d’une invitation, personne ne peut accéder à la salle. « Monsieur, on ne s’énerve pas, svp ! Je veux juste voir votre carton d’invitation. Après cela, vous pourrez passer sans problème », se justifie-t-il, les lunettes décollées des yeux, avec de grands gestes qui propulsent ses doigts tous fins, élancés, corpulents mais entièrement taillés. « Mais je vous répète que j’ai été invité au téléphone. Ce n’est pas de ma faute si les organisateurs n’ont pas fait correctement leur travail. Si ça continue, je retourne chez moi », menace l’air éreinté et emporté, l’un des plaignants, dont la paire marronne saute aux yeux, eu égard à son agitation.

Quelques minutes après, la situation se décante aux différents checkpoints. Dans l’ultime couloir qui mène à la salle de diffusion, des dizaines de personnes se bagarrent chaque centimètre, pour entrer au plus vite et occuper les meilleures places. Certains font un détour afin de s’accaparer des pop-corn quand d’autres à peine dans la salle immortalisent l’instant, au moyen de photos, de vidéos voire d’appels vidéos avec leurs proches. Une musique langoureuse prend possession de la salle. Un pianiste, assis sur un tabouret élancé, coloré de la tête au pied d’un vert frappant à des mètres, promènent la tête baissée ses doigts sur son piano noir, au-dessus duquel, tel un parapluie, un micro grandi par le trépied est accroché. Les sièges sont d’un rouge aussi vif que le tapis qui recouvre le sol. Rien à voir avec les dix baffes et éclaireurs complètement noirs, installés tout en haut.  « Bienvenue à la soirée de wow ! On est très heureux de vous accueillir ici. Mais d’abord, est-ce-qu’on peut s’applaudir ? » commence à chauffer la salle, le maître de cérémonie, en nœud papillon, le corsât ouvert exposant une chemise toute blanche. « A chaque fois que je fais une phrase, vous répondez à la fin wow. C’est bon ? On peut commencer ? », poursuit-il son show sous l’œil amusé de Fabrice Sawegnon, Guy Kalou, Franck Vlehi, Stéphane Zabarvy, Alain Guikou ou encore Mohamed Sanogo, le dernier étant producteur du film en question.  A sa suite, c’est Willy Dumbo, qui fait scintiller le podium avec sa tunique berge. « Eh ! Willy est là… » s’exclame, agréablement surprises, plusieurs voix. Blague après blague, l’humoriste, animateur télé et radio, fait exploser de rire le public à quelques minutes du début de la projection.

19h32, extinction de lumière, silence total, tous les regards braqués vers l’écran géant, les spectateurs salivent d’impatience. « Ce soir au moins, la CIE a le droit de laisser tout le pays dans le noir », fait une ultime blague Willy Dumbo, le temps pour lui de s’éclipser ne sachant pas trop à qui remettre le micro. Les spectateurs rient puis se taisent aussitôt au son percutant du générique introductif du film.

Les séquences se suivent. Le décor du film est planté. Quelques rires parcimonieux accompagnent dans la salle, les scènes les plus drôles. « 21 ans et vierge, c’est quoi ton projet ? », questionne une actrice sa copine du film. Conséquemment, une femme dont la tête est à peine perceptible dans la pénombre, assisse au troisième rang à droite, se met la main devant la bouche pour ne pas rire aux éclats.  

A l’écran, Malick l’un des acteurs le « bandit » du film, casquette à l’envers, la culotte émaillée de déchirures, gave subtilement une fille de stupéfiants dans le but de la violer dans sa chambre. « Ne bois pas ! Il va te violer » réagissent immédiatement, des spectatrices, les voix laissant apparaître un soupçon de peur.

« Bonsoir ! Puis-je passer svp ? » demande faiblement, la voix baissée, une femme derrière qui se trouve une autre, presque accrochée au siège, craignant de tomber dans le noir, désireuses toutes les deux d’accéder à des sièges libres, venue tardivement en salle.

Deux filles dans un taxi qui ont précipitamment quitté l’église pour aller fêter ailleurs, se maquillent et la plus euphorique porte sa perruque. « C’est dans quelle église on sort et on se maquille comme ça » , les interroge-t-elle, curieux, le corps retourné et le regard détourné du volant relâché le taximan, dans la suite du film. Tonnerre de rire dans le Majestic. Des secondes après la scène, certains rire encore à gogo.  Un homme ne se prive pas d’une bonne gorgée, la canette rapprochée de son appareil buccal.

Dans le dénouement du film, Laura, une actrice dont le personnage qui incarne le saint esprit, exécute un chant biblique repris en cœur par une partie de la salle, les mains en l’air la tête se propulsant de gauche à droite aussi lentement et mélancoliquement que la chanson interprétée dans le film. Elle vient de délivrer Malick, qui avait jusque-là, des traits diaboliques ? lequel finira par se réconcilier avec chacune de ses victimes, d’où une énième ovation dans l’espace cinématographique destiné à cette avant-première.

Au terme de la diffusion la réalisatrice, les acteurs de même que le producteur envahissent le podium dans une salle surchauffé d’applaudissements. Mohamed Sanogo, prophète et producteur de ce film, ne parvient pas à esquiver une évangélisation, qui émeut au point de fait pleurer, une gouttelette de spectateurs. Derrière une ultime prestation artistique, de jeunes tous en costumes noirs, épaulés sur scène par les acteurs, chacun harmonieusement vertu, la salle se vide aussi vite que les décalages des danseurs qui ont pris en otage l’estrade.

Jean-Cyrille OUATTARA